Introduction à l’anti-féminisme (Partie VII) : Quelques arguments zombies

Introduction à l’anti-féminisme (Partie VII) : Quelques arguments zombies

Le sommaire et la présentation de cette série d’article est consultable ici : Introduction à l’anti-féminisme
Les articles sont disponibles en version audio ici : Lectures audio des articles
L’intégralité du propos sera consultable en livre à partir du premier trimestre 2021.


Préambule

Ce septième article entame la dernière ligne droite de cette introduction. Nous allons aborder plusieurs sujets chers aux féministes et permettant de lui accorder une certaine légitimité, que ce soit dans le domaine de la recherche, de la politique ou aux yeux du grand public. Pourtant, ces sujets appuyant l’oppression patriarcale sur les femmes relèvent en fait du mythe.

A) L’Écart Salarial

Écart présenté

Il s’agit du mythe le plus connu, à la fois par les gens qui y croient que par les gens qui savent que ce n’est qu’un grossier mythe statistique. L’écart total oscillerait entre 20 et 30% suivant la source qui relaie l’info. L’Observatoire des Inégalités cite le Ministère du travail qui aboutit à un écart moyen total de 25,7%. L’INSEE dépasse les 28%. Certains féministes vont présenter ce chiffre pour donner l’impression qu’une salariée toucherait 20-30% de moins que son homologue masculin et ce, de manière injustifiée. La tendance est plutôt à présenter un chiffre de 10% environ car le précédent pourcentage ne prend pas en compte certains facteurs explicatifs évidents (e.g. le diplôme ou le nombre d’heures travaillées).

Écart réel

En réalité, ces 10% restants s’expliquent par d’autres facteurs qu’il serait trop long de détailler. Quand on prend en compte le diplôme, le type de contrat de travail (CDD ou CDI, temps partiel ou temps plein, etc.), l’implication générale au travail (nombre d’heures travaillées, efficacité/productivité, flexibilité des horaires, etc.), ainsi que les majorations de salaire (heure de nuit, prise de risque, travail le dimanche et les jours fériés, etc.) ou encore le type d’entreprise, on n’observe qu’une différence résiduelle pas réellement significative. Meurs & Ponthieux (2000) par exemple présente un écart résiduel d’environ 4% suite à une analyse un peu plus complète. La société Uber, au sein de laquelle aucune discrimination sur les salaires n’est possible, on observe un écart de salaires de 7%.

NDLR : Ne pas citer l’étude du Korn Ferry (écart de 2,7% pour la France) n’est pas un oubli. Je n’arrive pas à mettre la main sur la méthodologie de l’étude, elle ne sera donc pas citée.

Considérer que cet écart relève de la discrimination constitue en fait un appel à l’ignorance. L’écart est inexpliqué suite à une analyse superficielle, alors on considère que c’est le sexisme qui en est la cause.

« Il est devenu courant de décomposer l’écart de salaire en une part provenant des différences de caractéristiques individuelles, ou « part expliquée », et une « part inexpliquée » […]. On appelle alors « discrimination salariale » cette part de l’écart salarial moyen qui n’est pas attribuable aux différences observées. »

« Une mesure de la discrimination dans l’écart de salaire entre hommes et femmes », D. Meurs & S. Ponthieux, Économie et Statistiques (2000)

« À poste égal »

La mention « toutes choses égales par ailleurs » est donc abusive. On sait que tous les facteurs explicatifs ne sont pas pris en compte. Au-delà de la non-prise en compte de tous les facteurs, on peut regretter la pertinence de certains de ces facteurs. Cyrille Godonou (chercheur à l’INSEE) soulève le problème de la nomenclature permettant de déclarer une analyse « à poste égal ». Il prend en exemple les métiers d’administrateur INSEE et d’attaché statisticien qui sont confondus dans la même catégorie (333e Autres personnels administratifs de catégorie A de l’État (hors Enseignement, Patrimoine, Impôts, Trésor, Douanes)). Le salaire en début de carrière du premier est de 3 700€ (6 000 à 7 000€ après 15 ans d’expérience), alors que celui du second n’est que de 2 900€ (environ 3 600€ après 15 ans d’expérience). Au sein d’une même catégorie, on aurait alors un écart de 22% en début de carrière et 45% après 15 ans d’expérience. Si on comparait « toutes choses égales par ailleurs » les salaires de deux populations réparties distinctement dans ces deux métiers, nous pourrions alors dire sans mentir : « à poste égal, à diplôme égal, à temps de travail égal, à productivité égale, à expérience égale, à productivité égale, etc., l’écart des salaires est de 22% et augmente avec l’expérience pour atteindre 45% dès la quinzième année d’expérience. ». Cet écart ne serait pourtant pas dû à une quelconque injustice, bien qu’inexpliqué en raison d’une des limitations de la méthodologie (ici, la nomenclature).

Origine de l’écart

D’un point de vue social, cet écart s’explique principalement par la maternité qui représente un arrêt de carrière très important. Le simple fait de contrôler statistiquement la maternité permet d’effacer presque totalement les différences. Or, cet arrêt n’est absolument pas le fruit d’une oppression patriarcale systémique, mais d’un choix tout à fait légitime : celui de servir ses enfants plutôt qu’un patron. Cet écart salarial est en fait le symptôme d’un privilège féminin, celui d’être exemptée de l’aliénation salariale pendant une poignée d’années (via un arrêt de carrière, puis un temps partiel qui consiste le plus souvent à prendre un congé le mercredi). Pour plus d’informations et de détails, je vous renvoie vers cette vidéo dédiée :

Irréfutabilité

L’idée sera alors de défendre une oppression des femmes (puisque c’est en réalité un raisonnement basé sur cette conclusion) mais qui se trouverait ailleurs. Cependant, ou bien ces hypothèses ad-hoc ne sont pas appuyées de preuves, ou bien elles sont carrément totalement improbables..

C’est le cas notamment du temps de travail (heures supplémentaires, temps plein, etc.). On observe que les temps pleins sont majoritairement choisis (80%). Ceux qui sont subis le sont pour des raisons économiques. La justification a posteriori des féministes concerne donc les 80% de temps partiels dits « choisis » par ces femmes. Ils ne le seraient en fait pas vraiment. Ce serait par obligation familiale et patriarcale qu’elles seraient à temps partiel, et ce choix serait en réalité subit. Cette assertion n’est pas étayée de preuves. Elle est formulée et est acceptée comme valide. On a donc le même argumentaire que pour « l’écart inexpliqué » qui se transforme en « écart dû à de la discrimination ». Pourtant, on sait que les femmes déclarent vouloir passer encore plus de temps avec leur famille. Cette approche n’est donc tout simplement pas recevable. Les femmes travaillent moins principalement pour des raisons familiales (en ce qui concerne ces temps partiels).

Une autre hypothèse ad-hoc est alors formulée automatiquement : « c’est le patriarcat qui met cette idée dans la tête des femmes, donc elles sont tout de même opprimées de manière insidieuse, malgré elles. Elles ont intériorisé leur oppression ». Là encore, rien n’est prouvé et là encore il s’agit en prime d’une hypothèse fallacieusement irréfutable. À défaut de la réfuter, donc, contentons nous de prouver qu’elle ne satisfait pas le rasoir d’Ockham et qu’elle est parfaitement superflue : on sait que c’est aussi le cas des hommes ! En quoi serait-ce une oppression patriarcale insidieuse qui toucherait les femmes si elle touche aussi les hommes ? La réalité, c’est que l’oppression est économique et touche davantage les pères. Plus largement, c’est le mythe de la deuxième journée de travail qui ne tient pas.

« Les Français souhaiteraient plus de loisirs et plus de temps avec leur famille – La moitié des personnes aimeraient consacrer plus de temps aux loisirs si elles pouvaient changer quelque chose à la journée décrite. […] 60 % des personnes qui travaillent souhaiteraient en avoir plus. Le constat est identique pour le temps passé avec sa famille. Un tiers des personnes ayant un emploi aimeraient passer moins de temps à travailler et un dixième aimerait avoir plus de temps pour travailler. Il n’y a pas plus de cadres que d’ouvriers ou d’employés qui souhaiteraient travailler davantage. »

« Depuis 11 ans, moins de tâches ménagères, plus d’Internet », Layla Ricroch & Benoït Roumier, INSEE (2011)

Pour justifier l’idée d’une oppression des femmes, il restera deux hypothèses formulées par les féministes : le plafond de verre et la menace du stéréotype.

B) Le Plafond de Verre

Globalement, il existe assez peu de preuves solides appuyant l’idée du plafond de verre. Des preuves, il y en a énormément, mais peu sont réellement pertinentes et aucun consensus sérieux ne ressort. Il s’agira de pointer du doigt une représentation moindre des femmes pour conclure à du sexisme et donc au plafond de verre. Pour savoir si le travail féminin est aussi bien valorisé que le travail masculin, les études les plus sérieuses iront jusqu’à contrôler certains facteurs, comme la productivité par exemple, mais ça va rarement plus loin que ça. Comme pour l’écart des salaires, l’existence du plafond de verre ne repose que sur un appel à l’ignorance. Or, comme on l’a vu, ce sophisme n’est en rien une preuve. Outre la proportion moindre des femmes, on pensera que ce sont les hommes qui discriminent les femmes lors de l’obtention de promotion. Si on observe l’inverse, la position féministe n’est pas réfutée puisqu’une hypothèse ad hoc est alors formulée : Le syndrome de la reine abeille. On peut donc ajouter l’irréfutabilité à l’hypothèse de la discrimination sexiste touchant les femmes.

On ne peut pas réellement réfuter la théorie du plafond de verre, en réalité, même une parité ne serait pas une réelle preuve que le plafond de verre n’existe pas. En revanche, à défaut de preuves apportées par les féministes, on peut montrer que cette position est improbable.

Premièrement, la science n’est absolument pas consensuelle à ce sujet (e.g. Bréda & Hillion (2016), Huang, et al. (2020) ou encore Squazzoni, et al. (2020)). On trouve parfois que les femmes sont avantagées, parfois que ce sont les hommes et parfois que c’est aucun des deux. Quand on trouve que l’un est avantagé, la différence s’explique le plus souvent par autre chose que de la discrimination sexiste.

Deuxièmement, la position féministe abouti à trop d’absurdités pour être considérée comme probable. Huang, et al. (2020) par exemple trouve que la proportion de femmes dans la recherche est plus grande en Russie (50%) qu’en Scandinavie. Globalement, l’Europe de l’Est et l’Amérique Latine sont plus égalitaires à ces sujets que nous ne le sommes. On observe aussi que, outre la proportion de femmes, les différences augmentent avec le temps. Les femmes font plus d’arrêts de carrière qu’auparavant et mettent fin à leur carrière plus rapidement. Pour maintenir la position féministe, il faudrait considérer que la Russie est plus égalitariste que la Suède, et que nous sommes moins égalitaristes qu’il y a 50 ans. Cette position est ridicule, donc la position féministe l’est tout autant.

Dernièrement, la recherche féministe est assez pitoyable à ce sujet. Pour l’exemple, prenons Albrecht, Björklund & Vroman (2003) qui portait sur plusieurs dizaines de milliers de Suédois. C’est une étude très citée (près de 1200 fois) et qui présente une analyse plutôt exhaustive. Ce n’est donc pas un homme de paille que je fais ici, justement, j’essaie au contraire de me servir d’une étude dans le haut du panier et validée par la communauté scientifique pour montrer à quel point la recherche est mauvaise. Cette étude conclue à l’existence du plafond de verre et est citée comme telle. Or, elle n’étudie absolument pas le plafond de verre. Leur étude porte en réalité sur les écarts de salaire, qu’ils parviennent à expliquer, notamment par les différents choix de carrière. Ils vont simplement prétendre que la ségrégation professionnelle est l’expression du plafond de verre. Ce n’est pas une position scientifique, basée sur les observations de leur étude. C’est un biais idéologique maquillé en fait scientifique. Voilà comment on peut élever au rang de scientifique ce qui n’est qu’une opinion. Le jeu des citations donne ensuite du crédit à cette position, alors qu’elle ne repose sur rien de scientifique. Le plus ironique, c’est qu’elle présente les mêmes réfutations que celles précédemment abordées. Non seulement elle conclut à une hausse du plafond de verre avec le temps, mais aussi qu’il est plus fort en Suède qu’aux USA.

Pour aller plus loin

Vous vous doutez bien que je ne peux pas aborder tous les métiers qui existent. C’est pourquoi, je me suis tourné vers le domaine de la recherche lui-même puisque c’est celui pour lequel le plafond de verre est le mieux étudié. J’aurais pu parler du cas de Ada Lovelace ou Rosalind Franklin, mais Colttaine en a déjà parlé. Il serait trop fastidieux et de toute façon impossible d’aborder tous les domaines. Je vais donc vous expliquer le phénomène dans son ensemble général (il peut donc y avoir des exceptions).

Le mythe sous-jacent

Ces mythes ne sont en fait que des conséquences des considérations féministes à propos de la société et de l’humain. D’abord on considère que les patrons sous-paient les femmes ; puis on considère qu’ils les discriminent à l’embauche/lors de promotions ; puis que les filles sont discriminées dans leurs choix d’études/dans leur notation ; etc. Or, au mieux ces positions ne sont pas valides, au pire la réalité est contraire. Les filles sont privilégiées à l’école par exemple, à la fois dans la notation, mais aussi dans le comportement du corps enseignant.

NDLR : On entend souvent que ceci est lié au fort pourcentage de femmes dans l’enseignement, or, il semblerait que ça n’ait pas d’impact. Sans vouloir froisser personne, cette hypothèse est de toute façon assez ridicule.

La menace du stéréotype est le mythe qui poursuit les deux autres déjà abordés. Or, il ne repose sur rien de sérieux. Ce mythe a déjà été abordé ici à l’écrit et ici en vidéo. C’est d’ailleurs aujourd’hui la position de Dominique Meurs, dont nous avons parlé plus haut.

Vient ensuite le mythe du socio-constructivisme. C’est en réalité de lui qu’émane tout le reste. Son cas a été abordé dans ces deux articles et dans cette vidéo. On sait, grâce à des études longitudinales, interculturelles et pluridisciplinaires que le socio-construvisisme tel qu’appliqué aux genres par les féminismes est clairement et sans doute possible, invalide.

  • Les différences de personnalités et de comportements sont très petites, mais très nombreuses. Dans l’ensemble, on aboutit à de grandes, voire très grandes différences de personnalités et de comportements.
  • Elles sont globalement stables avec le temps.
  • Elles sont plus grandes dans les pays égalitaires.
  • Quand on observe des variations, l’égalitarisme en est très rarement la cause.

Chacun de ces points réfutent ce mythe féministe ainsi que ceux qui en découlent. Le GEP nous montre par ailleurs que, même si je me suis trompé plus haut et qu’il y a bien une large discrimination sexiste touchant les femmes, alors le féminisme n’est pas la bonne option pour atteindre l’équité.

Conclusion

En réalité, le plus révélateur ici, ce n’est pas l’invalidité des hypothèses. Au fond, peu importe, elles sont fausses, passons à autre chose, c’est le fonctionnement normal de la science. Non, c’est son incapacité à admettre qu’une théorie ou même une simple hypothèse est invalide dès que ça remet en question son pouvoir. C’est surtout ça qui est révélateur. Il est obligé de ressusciter constamment ces théories zombies pour asseoir sa légitimité, jusqu’à pervertir des champs entiers de la science. Sans oppression systémique des femmes au travail, dans la recherche, dans l’enseignement, dans l’éducation ou n’importe où ailleurs, comment appuyer l’idée caricaturale fondatrice du féminisme prétendant que les femmes sont opprimées par rapport aux hommes ?

Plus généralement, la majorité des hypothèses féministes sont très mal construites. Bien souvent, ce ne sont que des assertions fallacieusement irréfutables. Elles sont prononcées en tant qu’arguments, mais sans preuves pour les appuyer. Par la suite, pour les réfuter, là il faut une somme incroyablement lourde et diverse de preuves. Si possible avec plusieurs angles d’approches pour éviter toute fuite vers une autre hypothèse ad hoc.

Article suivant

Le plus triste, c’est que bon nombre d’anti-féministes croit aussi à ces arguments zombies. Nous allons dans le dernier article nous intéresser à une des positions fondatrices du féminisme : l’oppression (sexiste) supérieure des femmes relativement aux hommes. J’ai préféré ne pas questionner l’existence ou non du patriarcat. J’espère qu’après cette introduction, ainsi qu’après avoir consulté les media vers lesquels je vous renvoie, vous saurez répondre par vous-même à cette question.


3 réponses à “Introduction à l’anti-féminisme (Partie VII) : Quelques arguments zombies”

  1. En fait, la différence de salaire dans le privé en équivalent temps plein serait de +/- 12% dans le privé, de de 6% dans le public. On est loin des 25/30% d’écart des organisations féministes (source: INSEE):

    “Les inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes prennent des formes multiples. En premier lieu, les inégalités de volume de travail, les femmes étant bien plus souvent à temps partiel que les hommes. Pour les plus jeunes, les moins diplômés, les parents d’enfants en bas âge, ces inégalités de volume de travail sont le principal facteur pesant sur l’écart de revenu salarial.
    S’y ajoutent les inégalités de salaire pour un même volume de travail, qui sont faibles au début de la vie active mais s’accroissent tout au long de la carrière. Elles proviennent principalement du fait que les femmes et les hommes ne travaillent pas dans les mêmes secteurs et n’occupent pas les mêmes emplois.
    Les écarts de salaire entre les femmes et les hommes pour un même volume de travail se réduisent régulièrement depuis quarante ans. Ils ont diminué d’un quart sur les vingt dernières années. Les écarts de volume de travail se réduisent aussi, mais moins rapidement.
    Les femmes accèdent moins aux emplois les mieux rémunérés, ce qui explique une grande partie de l’écart de salaire. Ces inégalités d’accès aux emplois les mieux rémunérés sont particulièrement élevées parmi les salariés ayant des enfants, si bien que les écarts de salaire entre les pères et les mères sont nettement plus importants qu’entre les femmes et les hommes sans enfant.”

    Rien de systémique donc: avoir ou pas des enfants est un choix, choisir ou non un mi-temps dans la majorité des cas aussi. Choisir sa carrière pareil.

    PDO

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