Corée du Sud : l’antiféminisme prend le pouvoir.

Corée du Sud : l’antiféminisme prend le pouvoir.

Vous n’en avez peut-être pas entendu parler, mais le 9 Mars 2022, la Corée du Sud a élu un nouveau président. Le nouveau président Yoon Suk Yeol est farouchement anti-féministe. Il nous apparaît donc pertinent de proposer à nos lecteurs un billet sur le féminisme en Corée du Sud, et quelques informations sur ce nouveau président.

Contexte

Géographiquement, on pourrait croire la Corée du Sud bien éloignée des problématiques féministes. Après tout, même dans l’imaginaire des féministes occidentales, les femmes asiatiques sont plus douces et plus soumises que leurs cousines européennes (cf. Mona Chollet, Réinventer l’amour).

Sauf que le mouvement MeToo a déferlé sur la Corée comme partout ailleurs et une branche particulièrement radicale du féminisme s’est développée sous son influence. La communauté en ligne Megalia mélange des revendications légitimes (lutte contre les photos intimes volées) et des pratiques douteuses (shaming en ligne, outing d’homosexuels, fausses accusations…). Leur logo témoigne clairement d’une dimension misandre et ressentimentaire.

Les féministes coréennes les plus radicales sont perçues comme appartenant à une élite de gauche relativement déconnectée des problèmes des coréens moyens. Les coréens parlent de “gauche Gangnam” ou des “élites limousine” (ce qu’un français appellerait la “gauche caviar”). Cette frange socialiste libérale très favorable au féminisme est particulièrement soutenue par la “génération 386” qui désigne les coréens nés dans les années 60 (l’équivalent de nos jeunes boomers).

Une opposition au féminisme de plus en plus vive

Contrairement aux pays occidentaux, la jeunesse masculine sud-coréenne est assez clairement opposée au féminisme. Selon les chiffres disponibles, 70% des jeunes hommes dans leur vingtaine désapprouvent le mouvement féministe. Ce groupe de jeunes hommes lucides sur les ravages du féminisme est désigné par le terme Idaenam.

“Le féminisme est la fin de la démocratie”, photo de mars 2017.

Il est difficile d’estimer exactement combien de jeunes dans leur vingtaine se perçoivent et se revendiquent de l’anti-féminisme. Pour les auteurs du livre Men in 20s, 25,9% des jeunes hommes sont radicalement opposés au féminisme. Dans ce groupe, les hommes considèrent tous que les discriminations contre les hommes sont aujourd’hui plus graves que celles contre les femmes. 95,7% d’entre eux considèrent que l’écart salarial n’a rien à voir avec une forme de discrimination contre les femmes. 78,3% considèrent que les femmes gagnent moins parce qu’elles consacrent moins d’efforts à leur carrière que les hommes. 58,3% pensent même que dans une société juste les hommes et les femmes ne peuvent pas avoir le même salaire.

La question du féminisme cristallise une partie des positions et des oppositions politiques. Le parti libéral au pouvoir ces dernières années est particulièrement mal vu par les jeunes coréens anti-féministes. Chez les hommes dans leur vingtaine (en général), le soutient au parti libéral n’est que de 17% contre 37% pour les femmes de la même tranche d’âge.

What to know about Yoon Suk-yeol, South Korea's new president - The  Washington Post
Le nouveau président coréen.

Un nouveau président anti-féministe

Yoon Suk-yeol est un avocat de 61 ans et candidat pour le parti conservateur “Pouvoir au peuple”. La campagne présidentielle de 2022 est serrée entre le parti démocrate (au pouvoir) et le parti conservateur qui sont au coude à coude. Le parti au pouvoir est initialement en tête des sondages avant que le parti conservateur ne reprenne l’avantage en janvier 2022.

Intentions de vote pour les deux principaux candidats.

En janvier 2022, justement, les positions de Yoon Suk-Yeol contre le féminisme se font plus dures. Dans un post facebook du 7 janvier, le candidat annonce vouloir supprimer le ministère des droits des femmes. Il explique par ailleurs que le féminisme est responsable du faible taux de natalité de la Corée du Sud. Il affirme également vouloir s’attaquer au laxisme sur les dénonciations calomnieuses pour agression sexuelle. Selon Yoon Suk-Yeol les discriminations concernent aujourd’hui principalement les jeunes hommes et l’écart entre les traitements des femmes (favorisées par des politiques de discrimination positive) et les hommes se creuse d’année en année.

Il est évident que les analyses sociologiques du nouveau président sud-coréen ne font pas l’unanimité (ni en Corée du Sud, ni dans la presse internationale). Il n’en demeure pas moins que le bloc des jeunes hommes antiféministes a réussi à imposer son candidat et ses thèmes dans la campagne de 2022. Yoon Suk-Yeol a réussi à regrouper derrière sa candidature les personnes âgées du pays et les jeunes hommes conservateurs.

Vote pour le candidat démocrate (à gauche, en bleu) et conservateur antiféministe (à droite, en rose) par âge et sexe.

Conclusion

On ne peut que se réjouir de l’arrivée d’un contre-pouvoir pour limiter certaines des dérives féministes en Corée. Il va sans dire que nos féministes occidentales pousseront des cris d’orfraie sur l’arrivée d’un backlash et les régressions des droits des femmes dans le monde face à la montée du conservatisme. Mais après les exagérations de Megalia, un peu de retour à la raison ne peut pas nuire à la Corée.

Reste à s’interroger : un pays dont un tiers des jeunes femmes sont de droite et un tiers des jeunes hommes sont de gauche peut-il faire société ? La jeunesse coréenne est politiquement plus divisée que jamais et il semble que la ségrégation sexuelle et politique se renforcent mutuellement.


4 réponses à “Corée du Sud : l’antiféminisme prend le pouvoir.”

  1. Cela me donne de l’espoir. Jusqu’à maintenant, les candidats européens gagnent (ou pensent pouvoir gagner ?) les élections grâce au feminisme (Macron, Johnson, Scholz, Biden).
    Il est dit que la majorité des voteurs sont des femmes est que par nature, ‘elles votent tjrs à leurs avantage (et les hommes sont mixe), et par conséquence, aucun candidat peut s’en passer du feminisme. Mais le corée du Sud montre que c’est différent. Et cela est le signale le plus important pour nous!

  2. Ouf! Heureusement ! Ça gait plaisir de savoir que même quand tout le monde part à la dérive (USA, france….) au niveau du féminisme, certains auront la capacité de se réveiller. Par contre, sauf si c’est vraiment une population qui pour je ne sais quelle raison s’est fait ouvrir les yeux (ou a été propisce à cette réalisation), ils ont du sacrément en manger du feminisme extrême et des fausses déclarations de viol pour en arriver là. En voyant ce qui se passe actuellement en france, et sue quasiment personne ne réagit, j’espère qu’on sera plus rapide que ça à se réveiller.
    En vous souhaitant le meilleur, Andrew.

  3. Conclusion : trois fractures sont occultées par le système électoral occidental – guerre des générations, guerre des sexes, guerre identitaire. Si on ne parvient pas au niveau de légitimité du système coréen, ces fractures exploseront en dehors du système politique.

  4. Que les choses soient claires les femministes ne veulent pas l’égalité mais le pouvoir complet. Il est faux de croire que tous les pouvoirs par le passé ont été concentrés dans les seules des hommes. Reveillez-vous car c’est déjà le début de la fin…

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