Introduction à l’anti-féminisme (Partie II) : L’étymologie.

Introduction à l’anti-féminisme (Partie II) :  L’étymologie.

Le sommaire et la présentation de cette série d’article est consultable ici : Introduction à l’anti-féminisme
Les articles sont disponibles en version audio ici : Lectures audio des articles
L’intégralité du propos sera consultable en livre à partir du premier trimestre 2021. Cet article représente environ 25% du premier chapitre et 40% du propos relatif à étymologie du terme.


Préambule

Nous avons vu dans le premier article qu’invoquer la définition du féminisme en réponse à un argumentaire anti-féministe qui ne serait ni réac’, ni ouvertement misogyne était inapproprié et trahissait une incompréhension de l’anti-féminisme. Suite à cette explication, c’est tout logiquement que nous allons poursuivre vers largument de l’étymologie du terme « féminisme » puisque c’est généralement celui qui suit l’argument de la définition du féminisme.

I) Position originelle

Biais intemporel

L’étymologie du terme fait référence aux femmes pour la raison populairement acceptée que les premières féministes considéraient que les femmes, relativement aux hommes, étaient dans une position défavorable, moins enviable. Les féministes ne sont certes pas à l’origine du néologisme à l’époque péjoratif, mais cela n’y change rien puisque c’est ce terme qui a été repris fièrement. Comme le montre Mos Majorum dans « Gynovictimisme : les femmes sont les premières victimes de la vie, de l’univers et de tout… », c’est un biais dans lequel nous tombons aisément. Dans le contexte patriarcal des débuts du féminisme, quoi de plus normal que de témoigner de ce biais patriarcal infantilisant la condition féminine en les percevant comme victimes, faibles et passives, par opposition aux hommes stoïques, forts et seuls maîtres de leur destin ?

La vie et le bien-être d’une femme sont surévalués par rapport à la vie et au bien-être d’un homme. De là, le constat féministe originel ne peut être invoqué puisqu’on sait qu’il est soumis à d’énormes biais (qui plus en est dans un contexte patriarcal). L’idée selon laquelle c’est l’inégalité en Droit de l’époque qui est à l’origine du mouvement et non ce gynocentrisme reste donc à prouver.


The principle that regulates the existing social relations between the two sexes—the legal subordination of one sex to the other—is wrong itself, and is now one of the chief obstacles to human improvement; and it ought to be replaced by a principle of perfect equality that doesn’t allow any power or privilege on one side or disability on the other.

« The Subjection of Women », John Stuart Mill (1869)

La position défendue ne consiste donc pas à rejeter totalement les propos tenus par exemple dans « The Subjection of Women » par J. S. Mill, mais à les compléter. Le prisme patriarcal de l’époque s’est arrêté aux stéréotypes et clichés patriarcaux (soumission de la femme à son mari ou son père). Aussi, cette vision limitée excluait les intérêts que procure le fait d’être perçu comme faible et passif. Karen Straughan explique avec brio le concept d’hypoagency. La critique que je développe au court de ses articles porte donc sur la superficielle – voire hypocrite – remise en question du patriarcat.

Pour le féminisme de la première heure, le gynocentrisme serait la cause de cette approche partielle. Il ne voit que l’oppression des femmes (absence de droit) sans appréhender celle des hommes (obligation de responsabilités). Les hommes sacrifient leur vie et leur santé pour écarter leur femme et enfants des principaux dangers du quotidien. En réalité, parmi les féministes, on savait déjà répondre à cette remarque dès les débuts du féminisme. Mill fera souvent le parallèle avec la relation d’un maître à son esclave par exemple. À titre personnel, je ne connais aucune relation de maître à esclave dans laquelle c’est le maître qui sacrifie sa vie au combat pour sauver la vie de son esclave ou bien pour maintenir son niveau de vie et dans laquelle une des finalités de la relation repose sur la sécurité, l’épanouissement et la bonne santé de l’esclave. Chez les MGTOW, on considère d’ailleurs que l’homme est la mule de somme de la femme. On parle aussi de retour à la plantation. Au Japon, on parle de salaryman. Les suffragettes avaient quant à elles une toute autre approche.

Remarque : Non pas que derrière ce rempart la vie soit rose pour autant.

Le cas des suffragettes

L’éminente féministe Britannique Sylvia Pankhurst, fille de Emmeline Pankhurst, considérait sans honte que le sacrifice des hommes lors du Titanic était parfaitement normal et justifié. Mais attention ! Elle rappelle qu’elle ne veut absolument pas amoindrir le sacrifice…

SUFFRAGETTES DENY CHIVALRY ON TITANIC; ” Women First” Is the Universal Rule, Says Sylvia Pankhurst, and This Is No Exception – New-York Times (1912)

Autre citation notable d’une autre féministe : « Les femmes étaient dans une situation tout aussi terrible du fait de la vision du navire sombrant ». Ne pas amoindrir le sacrifice disions-nous ?


Vous qui croyiez que H. Clinton allait trop loin en 1998 et trahissait le vrai message du vrai féminisme en disant que « les femmes ont toujours été les premières victimes de la guerre. Elles y perdent leur mari, leur père et leurs fils au combat », devez admettre que c’est peut-être votre vision du vrai féminisme qui est erronée, non ?


Le fait indéniable que les femmes étaient opprimées et l’impression qu’elles l’étaient davantage que les hommes ne peuvent suffire à déterminer le vainqueur de l’intemporelle compétition victimaire.

II) Révision de la position

Révision d’ampleur

Cette position prétendant l’absence de préjudice pour les hommes étant relativement délicate à tenir – d’autant plus devant un prolétaire amputé d’un doigt suite à un accident de travail quand on est soi-même une bourgeoise protégée de tout – le discours a légèrement évolué pour défendre l’idée – plus modérée et grand public – que les femmes ne sont certes pas les seules victimes, mais elles en sont les principales victimes.

Les gens prennent ça pour acquis, c’est un fait. Pourrait-on simplement m’expliquer comment on quantifie une oppression ? Par extension, comment on la compare à une autre ? Mourir dans les tranchées est donc moins oppressif que mourir dans une usine pendant la guerre ? Être tenu pour responsable de toute une famille est moins une charge mentale que de devoir s’occuper de la bonne tenue du foyer ? J’avoue rester dubitatif…

Révision de nature

On observera souvent un argument similaire arguant qu’elles sont les seules cibles. C’est-à-dire que même si un homme peut être victime, c’est en fait une victime collatérale d’une oppression qui ne lui était pas adressée. Cet argument ne justifie pas forcément la victimation, mais la rend secondaire (indépendamment de l’ampleur de la réelle victimation). Il n’est pas victime d’oppression, mais de ses propres privilèges.

Remarque : Notez qu’on côtoie de très près les réflexions du style : ” oh bah elle l’avait bien cherché ” via ce genre de retournement de situation ironique.

Via ce prisme, une femme voyant son mari à terre gisant dans une marre de sang pour avoir défendu sa dulcinée d’un vol de sac à main est davantage victime de la scène que ne l’est son mari. C’est elle la cible, la victime symbolique, donc c’est elle la victime qu’il faut défendre.


Dans la même veine, on retrouve le sophisme du “ça s’annule” parfaitement interprété dans une vidéo de Réflexion Faites traitée ici :


Théorie du Ruissellement

De ces approches découlent la théorie du ruissellement appliquée à la lutte anti-sexiste : aider et défendre (exclusivement) les femmes, c’est aussi aider les hommes sur le long terme. Nous verrons ça plus en détail dans le cinquième article.


Le cas du féminisme intersectionnel

On peut alors observer les prémices du féminisme intersectionnel. Il n’est que la suite logique de la réflexion-type féministe. Il permet de hiérarchiser les individus en fonction de leur niveau d’oppression systémique. Ainsi, même si le prolétaire amputé d’un doigt dont nous avons parlé plus haut est bel et bien plus opprimé que cette femme bourgeoise, le féminisme intersectionnel rétorque qu’une femme dans la même situation que l’homme serait encore plus opprimée. Suite à un certain mécanisme que je n’arrive malheureusement pas à appréhender, ceci ‘annulerait’ l’oppression de l’homme.

C’est d’autant plus incompréhensible qu’une femme ne serait pas dans la même situation que l’homme puisque les rôles sociaux genrés ne la mettraient pas dans une telle situation (être amputée du doigt qui résulte quasi-exclusivement d’un travail manuel dangereux traditionnellement réservé aux hommes). Un parfait exemple est encore une fois le Titanic. Le principe même de cumul des oppressions ne fonctionne pas et ceci est révélateur que le sujet est infiniment plus complexe que : oppression de la femme > oppression de l’homme. Au contraire, les oppressions sont spécifiques et incomparables dans leur ensemble.

Pour comprendre que dès le stade théorique, cette position ne tient pas, je vous conseille vivement ces propos tenus par l’excellente Karen Straughan :

III) Application de la position

Quoi qu’il en soit, suite à cette apparente prise en considération de l’oppression masculine, quelles mesures ont été mises en place ? Rien de concret. On pourrait citer la définition légale du viol qui a d’abord inclus les hommes violés par d’autres hommes (1980), puis par des femmes (2018). Malheureusement, au-delà de ces avancées peu convainquantes, rien n’a été mis en place dans la pratique. Il n’existe toujours aucun refuge mixte ou exclusif aux hommes battus. Pourtant, si ces hommes existent (et ils existent) et que le féminisme se bat pour l’égalité, alors ces hommes devraient avoir accès à un nombre de refuges représentatif du pourcentage d’hommes parmi les victimes (soit 25% au minimum).


On sait que le patriarcat opère une double oppression sur les hommes puisqu’il leur est bien plus délicat d’admettre leur victimisation (non pas que ce soit simple pour les femmes pour autant). Or, non seulement aucun refuge ne les accueille, mais aucune campagne de sensibilisation ni le discours féministe ne les incluent. Pour les hommes violés, tout au plus, on précisera ad nauseam qu’ils sont extrêmement minoritaires et de toute façon, victimes d’autres hommes (donc : ” ça s’annulle ” et ça ne doit surtout pas remettre en question l’idéologie féministe).

Pour reprendre l’approche de Francis Dupuy-Déri concernant la supposée crise de la masculinité, chez les féministes, on observe non-pas une aide envers les hommes, mais un discours d’aide envers les hommes.

Le féminisme (à l’exception des TERFs) se veut inclusif des minorités, mais pas quand il s’agit de victimation masculine. C’est-à-dire que précisément sur le sujet pour lequel il devrait être le plus inclusif, il s’obstine à refuser de l’être. En parallèle, il l’est pour les LGBT+ par exemple. Pourtant, ils ne sont pas inclus dans la définition du féminisme, ni dans son étymologie. Pourquoi est-ce un argument pour les hommes victimes, mais pas les LGBT+ ? En réalité, ce ne devrait un argument pour personne parce qu’il n’est pas recevable en plus d’être impertinent.

IV) Validité de la position

Face à tout ça, force est d’admettre que le féminisme fait le choix plus ou moins assumé de n’aider que les femmes. Et à vrai dire, la plupart des féministes (ou même de non-féministes qui défendraient ponctuellement le féminisme) ont conscience de cet abandon. Ils le justifient.

Justification de l’abandon

La personne formulera une réponse comme suit : « Il est tout à fait légitime que le féminisme ne défende que les femmes. On peut catégoriser les luttes. On le fait tout le temps. Par exemple, on n’est pas obligés de combattre tous les types de cancers en même temps. Même la défense des femmes est compartimentée entre la lutte contre les viols, la lutte contre les violences conjugales, la lutte contre le harcèlement, la lutte contre les discrimination au travail, etc. ».

Ce propos est parfaitement valide, mais tout autant impertinent dans le contexte de la discussion. Nous ne parlons pas ici de compartimenter les luttes, mais les victimes. C’est certainement le message central de cet article. C’est de la discrimination. Cette discrimination se fait en fonction du sexe, c’est donc une discrimination sexiste. On distingue les victimes que l’on aide non pas en fonction de ce qu’elles ont subi (un viol, des violences conjugales, etc.), mais du sexe de la victime et parfois de l’auteur

Tentative de compartimentation de la victimation

Pour les plus tatillons qui considèrent qu’il ne faut prendre que les préjudices d’origine systémique, gardez en tête que c’est bel et bien une oppression systémique. En effet, les refuges sont encouragés et financés par l’État, cette discrimination ainsi que la victimisation trouvent au moins en partie leur origine dans les rôles traditionnels patriarcaux, rôles repris et encouragés par les féministes. Les violences faites aux femmes sont la cause symbolique du quinquennat.

C’est à la fois féministe et involontairement patriarcal. Si nous étions taquins, nous irions jusqu’à émettre l’idée qu’un bon féministe se doit d’être anti-féministe…

Et enfin, cette discrimination est tacitement ou clairement acceptée par la population. On a donc une oppression populaire, traditionnelle et ancrée dans le fonctionnement de l’État, de ses institutions et des diverses associations féministes militantes qu’il finance. C’est systémique.

Conclusion

J’espère que cet article vous aura fait comprendre que l’étymologie du terme ‘féminisme’ tout comme sa genèse populairement acceptée ne justifie en rien l’exclusion d’une partie des victimes. Le soutien symbolique et actif du féminisme envers les LGBT+ en sont la preuve.

Certains psychogymnastes féministes rétorquent que le préjudice subit est différent (systémique pour les femmes, individuel et ponctuel pour les hommes et découlant de leurs privilèges) et que le choix se fait en fonction du préjudice et non de la victime. J’espère aussi vous avoir fait comprendre que ceci est irrecevable en plus d’être tout simplement faux. L’oppression des hommes est aussi systémique. Parfois pour les mêmes raisons que les femmes, parfois pour des raisons exclusives.

Article suivant

Dans le prochain article, nous reviendrons sur la victimation des hommes. Il est fort probable que beaucoup d’entre vous n’ayez pas conscience de son ampleur et reste dubitatifs quant à ce propos au sein de cet article. L’article suivant sera un peu plus personnel et le cinquième article rentrera un peu dans les détails du lien qu’entretien le féminisme avec la victimation masculine. Rassurez-vous, il ne s’agira pas « d’un discours de crise de la masculinité ». Au contraire, il s’agira de montrer une situation qui n’est absolument pas récente et ne constitue en rien une crise. De toute façon, le féminisme prétend régulièrement être d’accord de défendre les hommes. Ce qui suivra devrait être reçu sans méfiance ni suspicion, au contraire, comme une main tendue pour comprendre l’étendue réelle de la victimation masculine sur des sujets jugés féminins ou féministes. À vrai dire, nous allons même soulever une victimation féminine méconnue dans le sixième article.

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2 réponses à “Introduction à l’anti-féminisme (Partie II) : L’étymologie.”

  1. Bonjour, Superbe analyse, j’ai hâte de pouvoir me procurer votre livre.
    Le travail que vous faites me semble tellement important, la publication d’un livre sera utile pour notre génération, mais les futures aussi.

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