L’égalité salariale encore et toujours… chez Cash Investigation !

L’égalité salariale encore et toujours… chez Cash Investigation !

L’épisode de la guerre contre le Coronavirus n’est pas encore terminé que nous sommes déjà replongés malgré nous dans la propagande sur l’écart salarial, souvent appelé à tort “inégalité salariale”. Un concept boiteux que la doxa s’acharne à faire vivre en dépit des évidences factuelles accumulées par des économistes depuis des années.

Le documentaire, disponible à l’heure de l’écriture de cet article à cette adresse, se découpe en 4 parties :

  • une enquête longue sur l’écart salarial dans le milieu bancaire et du trading
  • une enquête sur les métiers féminisés comme le milieu infirmier
  • une enquête sur les solutions pour “l’équité salariale” qui prend place à Québec
  • une enquête sur les conseils d’administrations, qui devraient afficher 40% de femmes mais sont encore loin du compte

L’écart salarial en milieu bancaire

Le documentaire du service public s’ouvre sur une séquence dont la supposée audace réside dans une inversion des rôles de genre. Comprendre qu’un homme apporte un café à sa patronne et ça, chez France TV, ça fait RéFLécHiR.

D’une manière générale, nous assène-t-on ensuite, les hommes sont mieux rémunérés que les femmes avec 122,8€ contre 100€ pour les femmes. Une présentation fallacieuse des réalités statistiques. Il serait bien plus juste de dire que les hommes travaillent pour obtenir un salaire moyen de 22,8% supérieur à celui des femmes, puisque ces chiffres ne sont ni à temps de travail égal (volume de vacances, volume horaire, travail en horaires décalés), ni à conditions de travail égales (pénibilité du travail, mobilité géographique requise, taux de mortalité au travail, risques du métier, …) et même pas à poste égal (dans le même secteur d’activité, dans le même type de poste, en comparant le public avec le public et le privé avec le privé) et encore moins à compétences égales (diplômes, expériences professionnelles, …). Bref, statistiquement, un chiffre sans valeur.

Dans le cas particulier de la filière bancaire, la DARES observe en 2017 un écart moyen de 36%. Chiffre balancé au spectateur sans aucune analyse, et sans vérifier qu’on ne compare pas les salaires de l’équipe en charge de l’hygiène et de celle en charge du trading de millions d’actions…

Le cas des enfants

La suite du propos tente de persuader le spectateur qu’une femme qui arrêterait sa carrière pour s’occuper de ses enfants devrait miraculeusement poursuivre son ascension professionnelle comme si elle n’avait jamais quitté son emploi. Un non-sens. Et de la même manière, qu’une personne en temps partiel (qui acquière donc moins d’expérience à cause de son moindre volume horaire) devrait avoir le même salaire horaire qu’une personne à temps plein.

S’en suit une série d’entretiens larmoyants et répétitifs de femmes prétendument discriminées. Par goût du sentimentalisme niais, on ira même jusqu’à demander à un enfant d’une dizaine d’années si sa mère “mérite une promotion” sans jamais accorder à un DRH la possibilité de s’exprimer sur les compétences professionnelles de la dite dame.

Quand on fait bien le calcul, l’écart salarial est un problème marginal

A la recherche d’explications, les journalistes de Cash Investigation se heurtent à la dure réalité du secteur bancaire : un banquier en général est plus à l’aise en statistiques qu’un pigiste sorti d’une école de journalisme. On nous affichera donc à l’écran une lettre mémorable où des comptables expliquent à France TV comment réaliser une moyenne pondérée c’est-à-dire, pour le dire gentiment, des maths de niveau collège/lycée. Et la voix off de bredouiller que “selon des experts cette méthode de calcul réduit les écarts de salaire” sans s’aventurer dans des justifications.

Expliquons la méthode de calcul de nos braves amis banquiers. Au lieu de comparer la somme des salaires de toutes les femmes et de le comparer à la somme des salaires de tous les hommes (ce qui accentue de manière disproportionnée le poids des très hauts salaires), on fait une comparaison catégorie par catégorie et on moyenne l’écart de salaire sur les différentes catégories en prenant en compte les effectifs.

Statistiquement, c’est béton. Il n’y a aucune raison de comparer le salaire moyen de 2 femmes de ménage et 3 secrétaires avec celui de 3 techniciens et 2 patrons. Et il n’y a aucune raison que les 15 salariés les mieux rémunérés de l’entreprise aient une contribution dominante dans “l’écart salarial” de l’entreprise.

Le résultat ? 1% d’écart salarial et non pas 18% comme annoncé par l’équipe d’Elise Lucet…

Le retour du Mythe du Plafond de Verre

Nous en sommes déjà à la 35ème minute de notre documentaire quand Cash Investigation se lance dans une grande enquête : que sont devenues les femmes des promos de finance d’il y a 12, 14 et 17 ans ? Le quart des diplômés de ces promotions étaient des femmes, et donc, on DEVRAIT retrouver un quart de directrices d’agence. Malheureusement, nos journalistes en observent deux fois moins… et concluent encore au sexisme de masse !

Car oui, ces femmes n’ont pas le droit de préférer un poste bien payé qui permet de s’occuper de ses enfants, elles doivent être ambitieuses et vouloir des responsabilités. Les femmes qui “réussissent” nous dit-on ensuite, sont célibataires ou avec un mari responsable des enfants, et ont toutes un profil très masculin et agressif. Comme c’est étonnant, on en viendrait presque à croire que ce type de métier n’est pas particulièrement compatible avec le profil psychologique de la femme moyenne…

Le monde du trading, un monde très masculin…

Cash Investigation enquête ensuite sur Natixis, une entreprise dont l’activité principale est le trading et qui présenterait un écart salarial moyen 43% avec seulement 9% de femmes…

Deux portraits de femmes tradeuses se croisent qui dénoncent une ambiance très masculine, où on demande aux femmes “d’avoir des couilles” et où tomber enceinte est très mal vu. La distribution des bonus dans les salles de trading se fait de manière opaque et vraisemblablement discriminatoire; comprendre que le bonus dépend de la “performance” des employés.

La situation est telle, que les ressources humaines ont mis en place une enveloppe pour redresser les cas de discrimination. Problème, les journalistes outrés découvrent que sur 288 personnes concernées, 42 sont des hommes. Alors que, c’est bien connu, les hommes ne peuvent jamais être victimes de discriminations salariales…

Cette première partie s’achève sur un entretien avec la DRH de Natixis (une femme au service du patriarcat, visiblement) sommée de justifier que les 50 candidates à un poste de trading n’ont pas été retenues en priorité pour rétablir la parité dans l’entreprise. A se demander si les DRH peuvent encore choisir les candidats, et le faire sur des critères de compétence.

Les métiers féminisés

Cette deuxième enquête s’ouvre sur le constat que certains métiers ont toujours été féminisés, comme le milieu infirmier. Une introduction qui serait en soit discutable puisque d’autres secteurs ont connu de profonds bouleversements (le domaine du droit ou de la psychologie). Les métiers en question, du moins ceux présentés par France TV (secrétariat, ménages, assistants maternelles, aides soignants) ont pour point commun de n’exiger que peu de formation et peu de responsabilités. Et ils sont tous “sous-payés” nous dit la voix off.

Un professeur de la Sorbonne (féministe active par ailleurs) se voit même obligée de confier que c’est l’emploi qui est mal évalué, et que le fait d’être une femme n’est pas l’explication du salaire bas du métier d’infirmière ou de femme de ménage. Les hommes de ces secteurs ne gagnent pas plus : ce sont des métiers où on commence au SMIC et où la progression est faible.

Les journalistes s’acharnent ensuite à nous convaincre qu’on pourrait établir une “valeur du travail” et que le salaire devrait être proportionnel à cette valeur. Ainsi, les infirmiers devraient être payés comme des techniciens. Une idée qui séduit les syndicats, jusqu’au moment où ils découvrent que les “techniciens” ne sont pas reconnus pour la pénibilité de leur métier et doivent travailler plus longtemps.

A Québec, on a la solution : l’équité de salaire !

Mais qu’à cela ne tienne ! On va aller chercher la solution à Québec.

Là bas, nous apprend-t-on, les choses ont changé après la diffusion d’un documentaire prouvant que les gardiens de zoo étaient mieux payés que les institutrices de l’école maternelle. On jettera un voile pudique sur le fait qu’un gardien de crocodile met sa vie en danger contrairement à une institutrice.

Grâce à la réforme d’une femme courageuse, on a revalorisé les salaires féminins sans toucher aux salaires masculins pour faire en sorte que les professions majoritairement féminines soient aussi bien payées que les autres.

Plusieurs objections légitimes ne seront jamais faites à ce stade de la présentation :

  • Ce surcoût a-t-il coûté en compétitivité au secteur privé du pays ?
  • Puisque l’argent ne pousse pas encore sur les arbres, comment les entreprises du privé ont-elles financé la chose ?
  • La masse monétaire globale augmentant brutalement, y a-t-il eu une inflation soudaine ?
  • Les hommes dont le salaire n’a pas été amélioré n’ont ils pas vu leur pouvoir d’achat baisser ?

Sachant qu’on apprendra tout de même au détour de la conversation que pour atteindre cette prouesse égalitaire, les salaires ont été gelés pendant 2 ans afin de compenser les dépenses. Et puis aussi, que donner de l’argent aux femmes permet de relancer l’économie (puisqu’elles le dépensent très vite, semble sous-entendre le reportage).

Cette languissante enquête sur le miracle de l’équité québécoise se termine amèrement : en France, la loi pour imposer l’égalité salariale existe depuis 1972 et “n’est pas appliquée” selon France TV qui malgré 2h de documentaire feint toujours de croire que l’écart salarial est intégralement lié à de la discrimination.

Les conseils d’administration, fantasme du lieu de pouvoir

A 15min de la fin, il y avait encore le temps de glisser une petite pastille sur la place des femmes en conseil d’administration. Un endroit “de pouvoir” qui semble faire fantasmer depuis des décennies les féministes de tous bords.

Selon notre voix off, la loi Copé-Zimmermann impose à toute entreprise de plus de 500 salariés un minimum de 40% de femmes en conseil d’administration, pour “imposer aux hommes de partager le pouvoir”. Seulement voilà, aucun fonctionnaire n’est officiellement en charge de vérifier la bonne application de cette loi, et donc selon l’équipe d’Elise Lucet, près de 60% des entreprises concernées en France ne la respecteraient pas.

Contacté, un patron qui considère ne pas être concerné par la loi dit même “Vous êtes sûrs que ça s’applique aux entreprises non cotées [au CAC40, NDLR], parce que si c’est le cas, la plupart des boites feraient faillite”.

En guise de petit coup de pub, Cash Investigation nous présente une héroïne des temps modernes dont l’une des activités consiste à trouver des femmes pour remplir les obligations de la loi sur les conseils d’administration. Et qui va jusqu’à se venter : “A chaque fois, il y a des réticences, et à la fin on me dit wahou comment vous avez fait pour nous trouver des femmes aussi compétentes ? (…) Les femmes compétentes il y en a beaucoup, elles sont juste invisibles.”

Mais bien sûr embaucher des femmes uniquement pour leur sexe, contrairement à beaucoup d’autres concepts misogynes et rétrogrades, n’est pas de l’objectification des femmes.

Conclusion

France TV et l’équipe de Cash Investigation, tout en croyant défendre la veuve et l’orphelin se sont livrés à une entreprise de désinformation d’envergure. Monter en épingle une poignée de témoignages individuels et instrumentaliser quelques chiffres sans en donner le contexte n’est pas à l’honneur de cette équipe de journalistes.

“Oeuvrer pour l’égalité femme-homme” constituant une des missions de France TV, on ne s’étonnera pas que la chaîne soit très féministe-compatible.

Il semble heureusement que l’absurdité statistique de l’écart salarial soit sur le déclin, et on peut espérer que le reportage caricatural de France TV va permettre à un public encore plus large de s’interroger sur le concept !


6 réponses à “L’égalité salariale encore et toujours… chez Cash Investigation !”

  1. Ceci est un excellent article.
    Il est assez rare que je laisse un commentaire en ce sens, mais là, c’est tout à fait mérité.
    Félicitations pour cette analyse.

    PDO

  2. Merci pour cet article super complet.
    Finalement à quoi sert le féminisme ? Parce qu’augmenter le salaire des femmes les pousseraient à “Date down” ce qui est contre l’essence même de la femme qui cherche à être fasciné par un homme.

    • En fait pas vraiment.

      Ce n’est là que mon avis, mais l’amour de la femme envers l’homme est contingent de ses besoins personnels. Une fois indépendante, protégée et disposant d’un certain confort (oui, c’est en partie contradictoire, mais la dissonance cognitive est moins dérangeante que la satisfaction de son égo), alors son amour de l’homme n’est plus, puisqu’il n’a plus de raison d’être. Nul “Date down”, mais plutôt “plus de date du tout”. C’est déjà ce qu’on observe à vrai dire.

      Il existe forcément des exceptions et surtout des femmes qui ont besoin de soutien psychologique individuel par exemple, chose qui ne sera pas satisfaite par l’État ou un salaire gonflé de quelques euros. Ces femmes devraient “date down” en effet, mais elles sont peu nombreuses, sont généralement pas très riches, etc. (je rappelle que ce n’est que mon opinion). Donc au fond, cet aspect ne se ressentira pas vraiment je pense. Elles vont simplement continuer à moins se mettre en couple jusqu’à un certain point.

      • Je pense que c’est vrai ce que tu dis dans une certaine mesure, on peut dire quasiment la même chose des hommes d’ailleurs.
        L’avenir ce sont les robots, je vais prendre un exemple très généraliste : théorie du chaos( l’entropie), on préfèrera tjrs ce qui demande le moins d’énergie et ça c’est quelque chose d’immuable.
        Par ex si il y a possibilité d’avoir un robot d’accompagnement qui peut t’aider dans quasiment, même pour le sexe, robot avec personnalité, aussi réaliste qu’un vrai être humain.
        Quasiment plus personne ne s’embêtera à construire des relations qui seront vue comme une perte de temps, d’energie, incertain voir dangereux.

  3. Bonjour,
    Un bien bel article.
    Dommage de comparer les infirmiers avec des secrétaires ou des caissières.
    Un ide est bac +3, je suis personnellement iade, bac + 5.
    Je ne me pleins pas de ma rémunération, elle est correcte sans plus: 2600 net avec garde après plus de 15 ans d’expérience tout confondu (ide, iade…).
    Dire que nos professions, du moins c’est ce que je comprends, ne nécessitent pas de compétences ou de qualifications particulières, est soit une méconnaissance complète de ce qui se joue à l’hôpital, soit une injure.
    Que vous vouliez démontrez l’inanité du discours féministe sur l’écart salarial, ok, mais de là à insulter autant de professionnels qui ont fait des études, pro il est vrai, et ont des compétences spécifiques que vous n’avez pas, personne, s’il n’a mon diplôme ne peut me remplacer au pied levé, c’est un peu gros.

    Donc dommage.

    • Salut Yann, je suis IADE aussi. Je ne pense pas que l’article fasse référence aux infirmiers, qu’ils soient ou non, spécialisés. Comme précisé entre parenthèses, il est précisé les quelques catégories de profession avec peu de formation et peu de responsabilités. Je me permet de faire remarquer que le métier IADE est la formation paramédicale la plus longue, difficile, et ayant le plus de responsabilités. (Master2, 5 ans et 6 moins de formation étalés sur 7 ans de cursus). Et nous remarquons tout de suite quelque chose de très intéressant: si les hommes ne représentent que 13% des infirmiers français, ils représentent 30% des infirmiers anesthésistes. Encore une fois, quand il s’agit de travailler, s’investir, faire des études, des formations, prendre des responsabilités, les hommes sont deux fois plus nombreux que ces dames. Il est plus facile de se plaindre, surtout si on peut dire que c’est de la discrimination.

      Enfin, quand à l’article, au demeurant magnifique, ajoutons à tout cela le biais des primes de risque ou de pénibilité: Certes Dédé et Monique n’ont tous deux pas le bac et Dédé est mieux payé que Monique. Mais Monique reste son cul vissé sur sa chaise de caissière toute la journée pendant que Dédé risque sa vie à 15m du sol en plein soleil pour changer des tuiles.

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