Élections européennes : une liste féministe, à quoi bon ?​

Élections européennes : une liste féministe, à quoi bon ?​

Surfant sur la vague d’indignation #MeToo et sur sa notoriété dans le cadre de l’affaire Jacqueline Sauvage, l’avocate Nathalie Tomasini a décidé de lancer sa liste “A voix égales” pour les élections européennes. La liste numéro 22 a décidé de faire de l’égalité homme-femme (pardon, femme-homme selon le zeitgeist…) le point de départ de son programme et la condition du redressement des travers du monde.

Le contexte

Il est d’habitude navrant de constater que des listes politiques cherchent à écornifler quelques suffrages par des discours bien-pensants et victimaires sur la condition de la femme. Heureusement, c’est souvent à la marge. Il est tout aussi consternant de constater que certaines femmes politiques demandent à se faire élire sur la simple base de leur sexe. Les femmes politiques ont-elles jamais amélioré la vie de simples citoyens plus que des hommes ne pourraient le faire ? L’histoire ne semble pas le démontrer. Mais, pour ces élections européennes, nous avons affaire à un parti qui décide d’ériger le rapport homme-femme en fondement de toute politique. Affligeant, et affligeant à plus d’un titre.

Vive le politiquement correct…

Dans une société que la langue de bois et le politiquement correct étouffent, une société que l’abus de verbiage victimaire rend nauséeuse, peut-on se réjouir de la création d’une liste féministe ? C’est encore de stériles débats qui viendront irriter les tympans de nos lecteurs, et dont cette seule déclaration pourrait servir de résumé prémonitoire : “Il faut rééquilibrer la balance et inverser le rapport de domination qui existe partout”. Le site web de la liste est on ne peut plus clair sur l’égalité qu’on cherche à imposer d’ailleurs.

Les chiffres de l’inégalité homme-femme ne parle pas des hommes. Un hasard ?

Une visible incompréhension des problèmes et des enjeux

A lire son interview donnée dans Madame Figaro, on a l’impression que Nathalie Tomasini ignore beaucoup de choses sur la cause qu’elle prétend défendre. Elle constate, comme nous, l’imbécilité du plan contre les violences conjugales qui traite les effets sans traiter les causes, le tout dans une gabegie d’argent public. Mais contrairement à nous, elle n’en conclut pas que cette dépense pourrait être mieux allouée. Non, elle rattache plutôt l’existence de violences conjugales (qui affectent les deux sexes, d’ailleurs) à une inégalité dans le droit. Voilà qui est surprenant de la part d’une avocate. Lui aurait-il échappé que la loi française ne fait pas de distinction entre hommes et femmes depuis un demi-siècle ? Qu’on nous présente un article de loi qui interdit explicitement une chose aux femmes sur base de leur sexe (c’est-à-dire une loi opérant une discrimination sexiste, punie par l’article 225 du Code Pénal…) et nous nous hâteront de présenter nos plus plates excuses… La tête de liste justifie aussi son action par l’existence d’un écart salarial qu’elle souhaiterait rendre illégal. Rappelons que la loi est déjà explicite à ce sujet (L1132-1 du Code du Travail) et que l’écart salarial n’est pas le résultat d’une discrimination de masse contre les femmes.

“À partir du moment où on revient à une équation stable avec une équivalence des droits, il me semble qu’on pourra éradiquer cette violence-là. (…) Si toutes les femmes possédaient les mêmes droits que l’autre moitié de l’humanité, avec un rééquilibrage des forces et des voix, cela pourrait transformer l’avenir. Ce que je propose n’est pas une utopie, ce monde idéal est réalisable et commence par cette égalité, qui est la valeur essentielle, la clef de voûte d’un nouveau système que je propose.” – Nathalie Tomasini

Les grandes politiques peuvent-elles vraiment partir des individus ?

Cette liste est pitoyablement caractéristique de la médiocrité de l’époque. Pour reprendre le mot du sociologue Jean-Claude Kaufmann, la liste “A voix égales” relève de l’hyperdémocratie, c’est-à-dire de cette centralisation maladive de la volonté collective dans le choix individuel. On ne vote plus en France pour un grand projet mais pour un confort personnel. La chose politique a tant perdu de sens pour nos concitoyens qu’elle se réduit au choix personnel. On critique le mensonge des vendeurs de rêves, mais ne sont-ils pas le fait d’un individualisme qui crucifie à chaque élection le projet de société au profit des intérêts particuliers et communautaristes ? Un projet politique qui part de l’individu c’est la fin des idéaux, des aspirations et des grandes causes…

Bref, espérons que la liste “A voix égales” ne séduira qu’une minorité de nos concitoyens. Espérons que l’éco-féminisme ne s’imposera pas comme thème principal pour cette élection européenne. Surtout quand on sait le nombre de problématiques plus urgentes à traiter (problèmes sociaux, libertés menacées, taxation, sécurité, immigration…).

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